Le décollage et le second régime


1. 1er ou 2ème régime ? 

Rappel: en terme de définition, c’est la vitesse Vy (vitesse permettant la Vz max) qui est utilisé ici pour la séparation des 1er et 2ème régime. D’autres auteurs mentionnent Vpmini (vitesse correspondant au minimum de la courbe Pn), voire plus rarement Vfmax (vitesse correspondant au minimum de la courbe de traînée). Plus que la définition et donc le choix de la vitesse de séparation, c’est sur la présence (ou non) d’une zone critique sur laquelle il faut se focaliser, car celle-ci indique un déficit de puissance disponible qui fait que ce domaine particulier du vol peut parfois devenir risqué.

Une procédure de décollage au 1er régime se ferait donc avec une vitesse de rotation, puis de montée initiale supérieures à Vy, avec comme conséquences :

  • Une distance de roulement importante,
  • Une pente de montée plus faible que celles pouvant être obtenues lors d’une montée au 2ème régime

Certes, ceci pourrait être envisagé avec un DR 400 sur une piste de 2000 m sans obstacles significatifs dans l’axe… mais inconcevable sur des pistes de quelques centaines de mètres.

Pour minimiser les distances de roulement (DR) et de passage des 15 m (DF 15), il est donc impératif de réaliser la rotation et la montée initiale à des vitesses inférieures à Vy.

La rotation et la montée initiale doivent donc être effectuées à des vitesses appartenant au 2ème régime.

→ C’est un passage obligé qui cependant nécessite quelques précautions.

Si les caractéristiques de Pu et Pn sont similaires à celles des courbes de type de celles présentées ICI- figure 4, et si les vitesses recommandées dans le manuel sont respectées, il n’y pas de risque particulier à effectuer la procédure.

A l’inverse, effectuer un décollage avec des courbe Pu et Pn se croisant dans les basses vitesses devient un passage délicat qui nécessite une attention particulière, de posséder une compréhension préalable des phénomènes potentiels pouvant affecter défavorablement la trajectoire, et par conséquent de savoir ce qu’il faut faire, et surtout ne pas faire…

2. Décollage avec présence d’une zone critique dans le 2ème régime 

Risque

Si le 2ème régime présente une zone critique, la plage de vitesse permettant la montée après la rotation (effectuée à Vr) est restreinte (= déficit de puissance disponible), et les vitesses verticales très dégradées.

Lorsque que l’on se trouve au-dessus de la vitesse de décrochage :

  • Pour Vi = Vep1, on a Vz = 0
  • Pour Vi < Vep1, Vz < 0 car la puissance utile fournie (Pu) est inférieure à la puissance nécessaire au vol en palier (Pn)

Par conséquent, si lors de la rotation l’assiette affichée se trouve trop forte, Vi risque de flirter avec Vep1, stoppant immédiatement la montée.

Figure 1

Cette situation peut conduire le pilote à augmenter, « par reflexe », encore plus l’assiette, ce qui entraînera une dégradation de la trajectoire vers le bas, voire le décrochage si la variation d’assiette à cabrer est maintenue.

Ceci est à l’origine d’accidents graves lors de la montée initiale après décollage.

Facteurs contributifs

La restriction de l’écart Pu – Pn (permettant un Vz positif), voire son basculement vers des valeurs négatives, peut être provoquée par :

  • Une baisse de la puissance utile maximum (Pu), pouvant être causée par :
    • Une altitude et / ou température élevée,
    • Une réduction de la puissance du moteur due à une anomalie mécanique.
  • Une augmentation de la puissance nécessaire au vol (Pn) induite par :
    • Une masse élevée au décollage, voire supérieure à la masse maximum autorisée, comme ceci se produit hélas parfois,
    • Une altitude et / ou température élevée,
    • Une dégradation du Cxp de la structure due par exemple à la présence de givre.

La prise d’une assiette trop forte au moment de la rotation et / ou lors de la montée initiale peut être, elle, consécutive à :

  • Un centrage très arrière (voire hors limite comme déjà vu), induisant une variation importante d’assiette pour un effort/déplacement du manche faible,
  • Le compensateur trop « à cabrer »,
  • La sortie de l’effet de sol, qui peut s’avérer sournois.

Concernant ce point, on se rappellera que, pour une même incidence, le Cz de l’appareil est, dans la zone d’effet de sol, supérieur à celui hors effet de sol. Le Cxi est, lui, inférieur au Cxi hors effet de sol.

Dans la phase d’accélération sur la piste et juste immédiatement après la rotation, l’avion au décollage se trouve encore dans la zone d’effet de sol. Il effectue donc la rotation avec un coefficient de portance Cz qui, pour une incidence constante, va diminuer lorsque l’appareil va sortir de cette zone. Parallèlement, la trainée va augmenter.

Si la rotation a été effectuée avec une vitesse trop faible, et donc une incidence forte, la baisse du Cz lors de la prise de hauteur peut conduire à une chute de la portance pouvant entraîner une dégradation de la trajectoire, qui peut amener le pilote à corriger par réflexe le processus en augmentant encore plus l’incidence par action sur la profondeur. Cette augmentation d’incidence peut nécessiter une puissance nécessaire au vol augmentée si l’avion se trouve dans une plage de vitesses inférieures à Vpmini.

Le système peut donc se retrouver à l’extrême gauche du domaine « second régime », dans la zone critique, sans aucune possibilité pour l’avion de poursuivre la montée, et dont la seule solution pour en sortir est de réduire l’incidence – ou avoir fait préalablement un palier d’accélération – afin de s’éloigner de cette zone d’instabilité par augmentation de la vitesse.

  • Par ailleurs, durant la montée initiale, en cas d’air turbulent, il peut se produire, à assiette constante, des variations d’incidence pouvant encore augmenter le risque d’atteindre l’incidence correspondant à Vep1, voire Vs.

3. Recommandations pour un passage du 2ème régime en sécurité

Le décollage est de façon générale une procédure nécessitant de s’assurer que l’avion, dans les conditions météorologiques du moment, est à même de quitter la piste concernée en toute sécurité. Pour cela, l’évaluation des performances de décollage (DR, DF15, Vz) doit impérativement être effectuée à partir des données du manuel de vol et des informations concernant la météorologie (pression, température, vent…).

Lorsque toutes ces conditions sont telles que cette phase de 2ème régime peut comporter une criticité particulière (masse élevée, forte température ou altitude, piste limitative), il convient alors de mettre en œuvre certaines précautions additionnelles.

  1. Une masse élevée s’accompagne en général d’un centrage arrière. Il est donc impératif de répartir les masses à bord de façon à obtenir un centrage le plus avant (ou le moins arrière…) possible.
  1. Bien vérifier la position du compensateur.
  1. La piste est utilisée sur toute sa longueur disponible possible. Minimiser le roulement sur la piste lors de l’alignement.
  1. Pour diminuer la distance de roulement au décollage (DR), effectuer une mise en puissance sur freins.
  1. A la vitesse de rotation Vr, effectuer celle-ci le plus souplement possible (attention à ne pas être surpris par le centrage arrière).

Eventuellement, la rotation peut être effectuée avec une vitesse légèrement plus forte que celle recommandée dans le manuel de vol, pour atténuer les conséquences de la sortie de l’effet de sol.

  1. La prise de l’assiette de montée doit être la plus progressive possible afin d’éviter le rapprochement de Vi vers Vep1.

Un palier d’accélération peut également être envisagé.

  1. Surveiller attentivement Vi et Vz pendant la montée ; attention si air turbulent : ne pas laisser le nez de l’appareil se relever intempestivement.
  1. Eviter les inclinaisons pendant la phase initiale de montée, celles-ci dégradant la trajectoire.